mardi 30 octobre 2007

Après la victoire





Ce matin de bonne heure nous étions nombreux sur le camp pour dire un dernier au-revoir, un dernier "jai jagat" en joignant les mains pour saluer tous ces compagnons de marche. Tous les étrangers avaient un petit pincement au coeur, l'aventure est terminée, dans les meilleures conditions qui soient, mais quel vide ce matin, ne plus marcher avec eux ! Un petit deuil à faire, celui d'être portée par tant de foi évidente. Pas de doute, pas de question existentielle, si je veux continuer à vivre, si je veux que mes enfants mangent à leur faim, si je veux retrouver ma dignité de femme et d'homme debouts, je marche. Jusqu'au bout. Pour faire reconnaitre mes droits. J'entre en marche comme j'entre en religion. Avec foi, certitude et dignité.


Ils ont fait la fête hier soir. Certains sont partis rapidement retrouver leur famille, leur village. Ce matin, les camions se remplissent du matériel de cuisine, chacun s'entasse, les femmes et les enfants d'abord, les vieillards ensuite qu'on aide vigoureusement à grimper à bord.
La nuit a été fraiche et les petits feux encore chauds parsèment le camp. Les femmes font sécher leur sari avant de rentrer. Pas d'émotion particulière pour les départs, juste les yeux qui brillent parce qu'ils ont gagné.


Avec Gilbert, nous partons ce soir par le train de nuit avec une partie du groupe du Jharkhand, petit état entre le Bihar et l'Orissa. Cela nous permet de garder encore un peu le contact, voir de plus près leurs conditions de vie. Et j'espère trouver quelque part un ordinateur pour la suite de nos aventures...

lundi 29 octobre 2007

Issue positive

Il apparait que le ministre du développement rural a été d'accord sur les propositions faites par Ekta Parishad (quelques points de détail seront à revoir). Une commission, moitié membres nommés par le gouvernement et moitié par Ekta Parishad siègera au sein du ministère du développement rural.
De plus amples développements demain. Il a été demandé au gouvernement de mettre des trains supplémentaires ce soir et les jours suivants afin que tout le monde puisse rejoindre son village sans trop tarder. En sachant que personne ne pourra payer le train ! ça aussi c'est l'Inde.
Chants et danses continuent d'animer le camp ce soir !

La photo du journal

C'est la photo d'un journal de ce lundi matin... Mais la marche ne pourra pas atteindre son but : le parlement.

Ram Das

Je m'appelle Ram Das. J'ai cinquante ans, trois filles et trois garçons. L'ainée, qui a 19 ans a été mariée l'an dernier à un gentil garçon, cuisinier. Il me faut environ cinq mille roupies par mois pour faire vivre toute ma famille et envoyer tous les enfants à l'école. Je n'ai pas de maison, pas de terre et nous habitons dans un temple.
Comment je fais pour trouver autant d'argent ? Je travaille dur tous les jours et j'ai deux métiers. Je me loue à la journée pour tous les travaux des champs et ensuite je suis potier. Je suis habile et fais de belles finitions, mes poteries se vendent bien à condition que j'aille les vendre jusqu'au marché de la ville voisine. Ce que je fais c'est pour que mes enfants n'aient pas la même vie que moi, reçoivent une bonne éducation et puissent manger à leur faim.

Le point à 15 h 45

A priori tout s'arrange... Le ministre du développement rural est arrivé dans le camp et toute l'assemblée attend avec grande impatience les décisions que tous espèrent positives. Plus de détails peut-être ce soir si c'est possible.

Situation tendue

Ce matin alors que la marche devait effectuer ses derniers kilometres pour aller faire un sit-in devant le Parlement, en arrivant, surprise, toute l'enceinte du camp, Ramlila Maiden, bouclée par la police, toutes les entrées fermées à clé et filtrage individuel pour entrer dans le camp.
On se dit que c'est à cause des petits problèmes survenus cette nuit où des Sikhs sont venus voler des couvertures et mettre la panique et que le gouvernement veut éviter que des groupuscules viennent semer la perturbation dans la marche. Mais à vrai dire, au fil des heures, c'est la marche qu'ils arrêtent, bloquent dans ce camp. La police promet de laisser sortir après 11 h du matin, lorsque la circulation devient plus calme. Mais à midi il n'était plus question de sortir du tout.

J'ai pu sortir pour venir mettre des informations sur le blog, sans problème, la police n'est absolument pas agressive, malgré les gilets pare-balles (avec cette chaleur !!) et les grenades lacrymogènes que certains portent à la ceinture.

Les orateurs se succèdent devant la porte d'entrée cadenassée pour que la police puisse laisser sortir la marche. Pour l'instant sans succès et le bras droit de Rajagopal est actuellement en rendez-vous auprès du ministre.

dimanche 28 octobre 2007

Aap ko aj kasa laga ?

Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? Pourquoi aujourd'hui ? parce que nous entrons dans Delhi, comme les loups dans Paris... Mais les loups, ce sont 25 000 personnes, hommes vaillants ou épuisés, femmes courageuses, toutes, énergiques ou défaillantes, anémiées, bébés endormis au creux des bras ou ballotants sur l'épaule,
peuple plein d'espoirs en entrant dans la capitale que certains n'ont jamais vue de leur vie. Que d'admiration nous avons pour eux ! Et eux sont portés par le fait qu'ils sont sûrs que leur marche atteindra le gouvernement et que celui-ci leur donnera des réponses positives. C'est ce que nous espérons tous demain avec le sit-in devant le Parlement. Les monuments historiques ne sont que de vieux monuments auxquels peu prêtent attention, par contre les ponts des autoroutes sont bordés de
photographes et de curieux. Nous empruntons les grandes avenues de New Delhi, larges et ombragées, plutôt calmes.
Swami Agniwesh (en orange sur la photo) qui dirige le front de libération des travailleurs esclaves et avec qui j'ai travaillé il y a de nombreuses années sur le problème des enfants esclaves dans la "ceinture du tapis" autour de Bénarès, vient se joindre à la marche pour les derniers kilomètres et c'est bien qu'il puisse faire ce signe de soutien.
Vers 16 h nous arrivons au point de chute sur un terrain immense et poussièreux où les groupes mettent de l'animation sur l'estrade par leurs chants ou leurs danses. Les photographes, journalistes sont là, mais demain sera le grand jour... Encore quatre kilomètres, les quatre derniers d'une aventure inoubliable et exceptionnelle et ce sera, espérons le, des promesses qui seront tenues.


samedi 27 octobre 2007

Réunion ce matin

Très bon article de synthèse sur Janadesh dans Libération d'aujourd'hui.
Pendant que la marche continue, à la Gandhi Peace Foundation, réunion ce matin avec des personnes de Janadesh et des Indiens sur le problème des sans-terre pour réfléchir sur des possibilités d'actions communes. Xavier pour la Belgique et l'Europe a noté que le problème crucial était l'achat de terres par les jeunes agriculteurs qui devenait quasiment impossible. Le prix des terres a doublé ces dix dernières années. La Belgique a perdu en 50 ans 75% de ses agriculteurs et je pense que la France ne doit pas être très loin de ces chiffres.
Au Brésil on estime à 4 à 5 millions le nombre de paysans sans terre. La lutte continue car le président Lulla ne tient pas ses promesses électorales. Dans les dix dernières années, dix millions d'hectares ont été achetés par des multinationales qui possèdent au total 32 millions d'hectares. Ces compagnies contrôlent l'eau et font essentiellement de la monoculture : soja, plantations d'eucalyptus pour la cellulose, qui ne servent qu'à l'exportation. Ceux qui cherchent à s'opposer risquent la mort (2 assassinats la semaine dernière : les leaders locaux du mouvement des sans-terre à Parana).

Au Kenya, il semble que le gouvernement n'autorise plus personne à vivre dans les forêts. Le problème des parcs nationaux touristiques devient alors une question de vie ou de mort alors que nous n'y voyons que les belles images des safaris photos... Les problèmes de l'Inde sont énormes et avec Gilbert nous avons décidé de partir ce mardi avec le groupe de Janadesh pour le Jharkhand afin de voir d'un peu plus près les problèmes des peuples tribaux et des forêts (29% de la superficie totale).

Parmi les spectateurs

une vraie scène biblique...alors qu'hier soir, le campement à Faridabad dans la banlieue sud de Delhi, ce n'était vraiment pas le paradis !

L'intendance

distribution de la sauce aux lentilles (dal)

Cuisson des chapatis (farine de blé et eau).
Chaque jour il faut nourrir 25 000 personnes. Et pour cela il faut quotidiennement 5 tonnes de riz, 5 tonnes de farine, 2,5 tonnes de pommes de terre, même quantité de lentilles, 1 tonne de pois chiches, 600 kg d'épices (j'aimerais qu'on en mette un peu moins !!), 600 litres d'huile, 25 kg de sel, 50 bouteilles de gaz et 25 kg de poudre à laver la vaisselle ! C'est ce qui s'appelle une cuisine de collectivités !
Un camion fait le marché tous les matins, vers 5 ou 6 h, pour les légumes frais : choux-fleurs, carottes, pois et redistribue ensuite dans les groupes
Chaque groupe envoie en éclaireurs une vingtaine de personnes bien avant le départ de la marche pour se positionner à la prochaine étape sur le lieu prévu et repéré sur l'autoroute (marques sur le goudron) et préparer la cuisine.

Le repas sur l'autoroute. Selon les habitudes locales certains groupes mangent dès leur arrivée sur les lieux, d'autres mangent plus tard.

vendredi 26 octobre 2007

rude journée !

Belle photo de l'amitié entre les peuples prise par un journaliste de la presse locale le 24 dans le terrain en attendant les orateurs.


Chaleur, pollution, fatigue, odeurs parfois pestilentielles dans cette banlieue sud de Delhi que nous atteignons aujourd'hui. Par contre, début de matinée rythmée et endiablée qui a donné du punch pour traverser les foules qui commencent à s'amasser sur notre passage, sans compter les embouteillages monstrueux provoqués par la banalisation d'un coté de l'autoroute pour nous.


Rajagopal a toujours été acueilli avec des fleurs et des turbans, mais il a fallu faire plus vite aujourd'hui, ne pas trop s'attarder à recevoir des honneurs, les kilomètres devaient être faits et il fallait avancer dans cette banlieue qui ressemble parfois à un bidonville. Paradoxalement, des sièges sociaux de multinationales, flambants neufs jouxtent les masures de terre et de tôles, ainsi que les prémices de lotissements de luxe.

Le repas de midi a été pris comme d'habitude sur le goudron, mais on a retrouvé avec bonheur (pour moi) les délicieuses puris, (sorte de galettes de blé frites à l'huile et qui gonflent) j'avais peur qu'il n'y ait plus d'huile !
Le retour sur Delhi a été un enfer, embouteillages monstres, les chauffeurs "provinciaux" ne connaissant pas cette pieuvre tentaculaire ont eu quelques difficultés à nous conduire jusqu'à la Gandhi Foundation. Et là, les chambres surbookées ont permis à certain-e-s d'apprécier la terrasse ou le hall pour dormir à la fraiche, entre les klaxons incessants de la route et les stridences des trains de banlieue. Il y a des moments où je me représente l'Inde comme un tas d'ordures hurlant (contrairement à août où c'était thé et jasmin !) ; c'est vraiment le paradoxe de l'Inde.

jeudi 25 octobre 2007

Pour le plaisir !


Stéphanie et Delphine... Je n'ai pas cherché à les prendre particulièrement en photo, c'est donc le hasard de ce matin ! Pensz qu'en cliquant sur la photo vous pouvez l'agrandir.



Sur l'autoroute

Depuis que Rajiv Gandhi a favorisé les classes moyennes dans les années 1984-88, chacun veut sa voiture et la bonne vieille Ambassador fait figure de grand-mère. Les nouveaux camions transportant les voitures neuves sont démesurément grands et vont jusqu'à 30 m de long (presque 2 fois celui de la photo !) Et le ferroutage ? Vont-ils mettre 50 ans pour se rendre compte du problème ?
Pour donner une idée des différents moyens de transport rencontrés ce matin : cela va du rickshaw au dromadaire, en passant par le bus et la moto familiale ! C'est l'une des voies de circulation les plus importantes, imaginez l'autoroute Paris-Lyon avec les mêmes véhicules.

Les dernières nouvelles



Les journaux nationaux commencent enfin à faire des articles sur Janadesh et les cameramen arrivent à l'approche de Delhi.
Nous n'en sommes plus qu'à 45 km et la pression faite par la marche commence à avoir de l'effet. Hier, si le ministre du développement rural n'a pas fait de déclarations fracassantes, il a promis une intervention pour le 28 à Delhi. Mais que sera-t-elle ? Il semble que maintenant le Premier Ministre se sente un peu plus concerné...


La vie des "étrangers"

Pour tous ceux qui attendent des nouvelles ou des photos des leurs, voici notre vie au quotidien ! Ce matin au réveil certains étaient mieux reposés que d'habitude. La contrée où nous sommes n'étant pas très sûre, les dormeurs sur goudron ont été gentiment priés de trouver un lieu plus tranquille...

Le p'tit déj ce matin sur la terrasse à 7 heures : toasts, thé au lait traditionnel, fruits achetés au marché la veille au soir.
Le départ en jeep sur le lieu de la marche (aujourd'hui nous étions quasiment sur place, juste 3 km à faire).
Puis chacun trouve sa place dans la marche, ses marques et ses copains !



Ana et Vanderli sont venus du Brésil et travaillent pour une association de travailleurs ruraux sans ressources, quatre militants du Kenya Land Alliance qui rencontrent aussi les mêmes difficultés qu'ici sont remerciés et honorés. Le pique-nique de midi ou plutôt de 14 heures, dans un lieu agréable et pas sur l'autoroute...

Demain, nous quittons Palwal pour rejoindre la Gandhi Peace Foundation jusqu'à la fin de la marche.