dimanche 26 janvier 2014

Fête nationale indienne

Le 26 janvier est jour de fête nationale en Inde. Petits drapeaux vert-blanc-orange accrochés sur toutes les balustrades le long du Gange à Bénarès, broche discrète en forme d'Inde et aux couleurs du drapeau nationale accrochée au revers du pull-over et puis quelques photos prises le long des ghats ce matin, ces escaliers qui longent le Gange à Bénarès.
Un peintre affiche ses tableaux et ses souhaits pour ce jour spécial
sur un mur le long du Gange
le vendeur de thé fait mijoter ses épices dans le lait bouillant
des touristes indiens se préparent pour aller prendre leur bain, malgré la
température plutôt frisquette (14° C) et le soleil pâle
et lui se prépare à se ceindre d'un beau tissu orange pour aller faire trempette
pendant ce temps, les blanchisseurs tapent, mouillent, savonnent, frottent,
pas de jour férié pour les travailleurs (du dimanche 26)
il faut vite profiter du soleil et du vent léger pour tout étendre
pas beaucoup de touristes non plus, on étend partout !
et le ramasseur de draps joue au fantôme de l'opéra !
et le sadhu, lui, fait comme georges Brassens le 14 juillet :
le jour du 26 janvier
j'reste dormir sur mon escalier...



jeudi 23 janvier 2014

Jour de fête à Bokaro au Jharkhand


Mardi 21 janvier 2014
Jour de fête
21 janvier 2012 : les tribaux de ces villages ont gagné la bataille contre le gouvernement, et leurs terres, leur forêt, leur colline où se trouve le cimetière des ancêtres et leur lieu de dévotion et de prières pour célébrer la nature vont enfin leur appartenir, avec de vrais titres de propriété ! Et pour fêter ça le 21 janvier 2014, nous sommes avec eux, au bas de cette « sainte » colline que nous ne gravirons pas car il faut le faire pieds nus et nos pauvres pieds d’occidentales embourgeoisées ne résisteraient pas aux pierres du chemin !
Mais une grande réunion avec des responsables de dix-sept villages se fait en marge de ce festival en même temps que se montent derrière nous les échafaudages, que flottent les banderoles, que cuisent les gâteaux et que s’installent les manèges pour enfants.
des kilos de gâteaux délicieux attendent les familles...
Ils nous expliquent tout, leur lutte, comment cela a commencé il y a cinq ans quand les premiers travailleurs sociaux d’Ekta Parishad sont venus leur parler de Bilsamunda, un grand leader pour les droits des peuples tribaux. Ils leur ont expliqué que malgré l’incessante pression des sociétés minières qui veulent agrandir leur terrain d’exploitation, ils étaient en droit de demander à rester sur leurs terres ancestrales, qu’il y avait une loi depuis 2008 sur le droit à la forêt, à la suite de la grande marche de Janadesh 2007. Qu’il y avait des procédures à faire et qu’en un peu plus de trois mois, ils pourraient obtenir leurs papiers. Il a fallu bien sûr une certaine prise de conscience de leur force collective, qu’ensemble ils pourraient garder ce qui leur tenait le plus à cœur, même si deux de leurs leaders de villages étaient considérés comme « naxalites » par le gouvernement local et mis en prison pendant sept mois. Libérés sous caution, après trois ans leur cas n’est toujours pas jugé. Mais cela ne les empêche pas de continuer la lutte non-violente, d’être là sur le terrain et de nous expliquer à nous et tous ceux autour leur quotidien d’opposition aux grosses sociétés industrielles. Version indienne de David et Goliath.
le plan du village est étalé par terre pour nous expliquer la situation
Ils ont appris à travailler sur un plan, à dessiner les limites de leur village, à voir ce qui était sur le papier les forêts, les prairies où se trouvent leurs plantes médicinales, leur lieu de chasse et leur coin à champignons. Ils ont fait leur demande à l’administration pour avoir la propriété collective au niveau du village de 460 hectares pour leur permettre de continuer à vivre « au pays ». Version indienne de « Volem viure al pais ».

Ils ont également appris qu’ils avaient le droit d’obtenir une carte de crédit spéciale « fermiers » qui pouvait leur octroyer de 15 à 40 000 roupies pour les aider dans les achats de semences et de matériels pour leur exploitation agricole. Trois cents fermiers ont donc décidé de faire une marche non-violente jusque devant le « District Collector » ( genre Contrôleur des impôts de la région) qui auraient dû leur donner leurs cartes il y a bien longtemps et qui s’était bien gardé de le faire, car les trafics de cartes pour obtenir ces sommes d’argent sont courants… Le District Collector n’a pas résisté devant la pression et les cartes ont été données sans restriction.

Cela tiendrait du miracle, il faudrait donc simplement demander et on obtient ? Quand c’est juste, qu’il y a la connaissance de ses droits, une vraie détermination et une lutte non-violente continue au niveau national, cela se fait, c’est tout. Et heureusement que même dans un pays aussi corrompu que l’Inde, il existe encore des lieux où le droit est respecté grâce à la force du collectif et la solidarité. Version indienne de « Gardarem lou Larzac ».

Nous partons ensuite, bien encadrées et protégées par une quinzaine de personnes en moto sur des petites pistes poussiéreuses, avec notre 4x4 à travers les collines pour aller voir les mines de charbon.
Arrivées sur une sorte de plateau nous voyons émerger de grandes panières remplies d’énormes blocs de charbon posées sur des têtes de jeunes filles ou femmes. Toute une farandole de saris qui prennent peur et partent en s’égayant quand la personne qui nous accompagne sort de la voiture et leur crie quelque chose qui les tranquillise visiblement.
Ce sont des femmes tribales qui ramassent du charbon pour le revendre illégalement mais cela leur permet de survivre. Une roupie du kilo… il faut qu’elles fassent dix trajets à travers la campagne avec des corbeilles de 40 kg sur la tête pour gagner cinq euros dans la journée, de quoi survivre. Charbon qui sera revendu dix fois plus cher par leur exploiteur qui se fait une fortune non seulement sur leur dos, mais sur leurs vertèbres cervicales, sur leurs hanches, sur leurs pieds. Pas un seul jeune homme et je pose la question. Ce n’est qu’une affaire de femmes car la police ne peut pas les mettre en prison. Les hommes, si.

les plus jeunes sont mises aussi à contribution et là, ça fait encore plus
mal au coeur quand on voit ces bouts de chou avec ces charges gigantesques
Plus loin encore nous arrivons à une exploitation minière. Vaste trou, longue rangée de camions attendant leur chargement, poussière noire. Tout cela était une belle forêt auparavant avec un village, maisons rasées, habitants déplacés, quelques-uns uns sont quand même restés au milieu des ruines, subissant les pollutions sonores, les tirs de mines, la poussière qui s’infiltre partout, mais où aller ? 


« Faire du tourisme » en Inde, on pense palais de maharadjah, forteresses rajpoutes, Taj Mahal et beaux jardins. Mais il existe aussi des maisons de briques au toit percé, des huttes où des femmes avec quelques haillons sur le dos tressent des cordes avec des liens de plastique récupérés des sacs de ciment, des hommes aux jambes noueuses et maigres qui vont dans la forêt avec leur arc et leur flèche tirer sur des bestioles qu’ils vendront au marché pour assurer une assiette de riz à leurs enfants, d’autres qui font 90 km sur leur vélo chargé de 500 kg de charbon pour le vendre le long de la route entre Hazaribagh et Ranchi.
C’est une autre pauvreté que celle qui s’affiche sur les lieux touristiques. C’est une vie de misère, sans espoir, où aujourd’hui est semblable à hier et sera pareille que demain et où le futur est un mot inconnu.

Mais nous avons vu des équipes de femmes et d’hommes motivés par le désir de faire triompher la justice, de faire respecter les lois à tout prix, de porter à la connaissance de tout un petit peuple de ce que l’Inde peut avoir de grand, de juste, pour aider les plus défavorisés. Faire reconnaître ses droits, celui d’avoir un toit sur sa tête, celui d’avoir un petit bout de terrain pour nourrir sa famille, celui d’aller dans la forêt pour y trouver sa subsistance.
L’Inde bouge. Pas seulement celles des ordinateurs, des centrales nucléaires et des téléphones portables. Pas seulement celle où règnent la corruption, la mafia et les trafiquants. Mais celle des petits villages où vit 70  % de la population. Pas de partout, ne rêvons pas, et ce sont des pas de fourmis. Mais j’ose y voir un espoir, une lumière pour toute une jeune génération. Aidons-les, cela nous aidera aussi à grandir avec plus de foi, plus de générosité, plus d’espoir et plus de fraternité. 



vendredi 17 janvier 2014

Rencontre deuxième village Jharkhand


Jeudi 16 janvier toujours, district de Chatra, la température extérieure dans la journée est correcte mais les débuts et fins de jour sont frisquets pour la région. Dans le district d’à côté, l’administration a fermé les écoles primaires du 16 au 18 janvier, la température variant d’un minimum de 9° à un maximum de 16°, rien n’est chauffé ni les maisons, (ni les hôtels !) Ni les écoles où on fait la plupart du temps la classe dehors en ce moment car il fait plus chaud au soleil, même d’hiver, qu’à l’intérieur des murs.
Une des statues du temple, rarement vue : Hanuman accompagné de ses "copains" colorés
de g. à dr : le Sanglier, avatar de Vishnu, Rama, Hanuman, Durga et Nanda la monture de Shiva.
Sur le même lieu, des vestiges de temple bouddhique mélangés au culte de Siva
Un sadhu shivaïte à l'entrée du temple avec son trident
Après notre visite au temple nous allons rendre visite dans un deuxième village. C’est une communauté qui mélange les dalits (intouchables) et les adivasi (peuple tribal).
Présentation du 2e village et de leur fabrication d'assiettes en feuilles
Les femmes nous présentent leurs groupes : le premier, appelé Manta groupe, comprend 25 femmes et fabrique des assiettes en feuilles qu’elles vendent sur le marché local. Les feuilles sont ramassées dans la forêt, elles font environ 400 articles par semaine ce qui leur rapporte 40 à 50 roupies (un demi euro) ce qui leur permet d’acheter petit à petit sel, huile, médicaments si nécessaire.
Une des femmes nous présente son groupe
Consola Devi nous présente son Navi groupe qui fait également des assiettes et qui vendent des feuilles fraîches sur le marché à 8 km de là, et gagne 12 roupies par semaine. Elles font un dépôt de 50 roupies par mois et par personne pour s’entraider. Elles possèdent un tout petit bout de terrain où elles arrivent à faire un peu de riz mais la plupart d’entre elles ne possèdent rien et se louent également comme ouvrières agricoles.
Ces deux groupes rêvent d’une emboutisseuse mécanique qui leur permettrait d’améliorer la quantité et la qualité de leur produit, mais qui se trouve hors de portée de leur bourse.

En fin de journée nous faisons la remarque à Birendra sur la différence d’énergie et de motivation entre le premier village qui semble actif, motivé, bien parti pour s’en sortir et le second où cela semble plus difficile. Ce n’est qu’une question de temps, nous explique-t-il, le premier village a commencé cette démarche il y a quatre ans avec des formations pour les leaders, des stages de motivation, de connaissance de ses droits, de gestion de groupe, alors que le second village n’est entré dans ce processus qu’il y a un an et demi.
De plus, dans le second village, nous sommes dans une zone de danger où les « Naxalites » (groupe violent maoïste) sévissent et où ce village vivait dans la peur et la violence, ces groupes armés (composés souvent de gens du pays) faisant pression pour avoir un soutien des villageois sans pour autant leur apporter des moyens de progresser et d’améliorer leur quotidien. C’est donc une démarche importante qu’a fait ce village pour sortir de cette situation.
Cela laisse donc beaucoup d’espoirs pour la suite. Mais quel courage ont toutes ces femmes (toutes analphabètes) pour faire un travail collectif et s’entraider ! Et avoir compris que ça marche.

Et tout au long de la route nous voyons ces forçats du vélo avec leurs centaines de kilos de charbon accrochés de partout de telle sorte qu’ils ne peuvent absolument pas pédaler, ils s’accrochent à l’arrière du vélo sur les sacs tant bien que mal dans les descentes et peinent en poussant dans les montées pour faire la route d’Hazaribagh à Ranchi et livrer leur marchandise le long du chemin. Ce sont tous des mineurs « illégaux » (voir sur mon blog notre visite dans les mines illégales de charbon en mars 2013) qui doivent casser les blocs de charbon brut puis les faire brûler pour qu’ils soient utilisables directement, ensuite il faut mettre tout ça en sacs, préparer et harnacher le vélo et partir ensuite. Tout cela leur prend trois jours. Ils tirent environ 600 roupies de leur chargement et doivent payer tous les mois deux mille roupies à la police locale pour qu’elle ferme les yeux sur ce trafic.

jeudi 16 janvier 2014

Dans des villages dalits au Jharkhand



lorsque nous arrivons au village de Itkhorie, la récolte du riz est terminée
depuis un mois.
Jeudi 16 janvier 2014, nous partons, notre petite équipe accompagnée de deux travailleurs sociaux, Birendra et une femme sympathique et résolue, pour une centaine de kilomètres à travers la campagne du Jharkhand pour rencontrer des dalits ou intouchables, vivant dans des villages reculés et oubliés du gouvernement indien. Oubliés, oui, car pas de route, pas d’électricité, l’école à deux kilomètres, dans le premier village. Un groupe de femmes nous accueille dans le village de Chatra et la présidente du premier groupe appelé le Siv Guru, nous présente leurs activités pour leur assurer une vie minimum avec leur famille. Elles ont fondé à dix-sept une banque de grains et d’argent : tous les jours elles mettent dans un pot en terre une poignée de riz. Tous les quinze jours elles se réunissent pour mettre en commun leur « butin » ainsi que 25 roupies chacune (30 centimes d’euro) qu’elles déposent sur un compte spécial. Elles arrivent ainsi à obtenir 900 kg de riz par an qu’elles revendent moitié du prix officiel aux villages les plus pauvres autour de chez elles.
Mais combien de kilos de riz sont nécessaires tous les mois pour une famille de sept, les parents et cinq enfants, ce qui semble inférieur à la moyenne dans ce village ? Et bien, un minimum de quatre-vingt-dix kilos ! Ce qui fait plus de quatre cents grammes de riz par personne et par jour, c’est l’essentiel de leur nourriture.
le groupe des femmes avec devant les deux présidentes des groupes qui
nous présentent leurs activités et la "banque de grains"
Avec ce bénéfice et l’argent mis de côté elles ont acheté tout un nécessaire de casseroles, pots, qu’elles louent pour les fêtes, les mariages, les festivals, 600 roupies par jour. Elles voudraient juste agrandir leur série de grandes casseroles pour offrir un meilleur service et gagner un peu plus. Mais c’est une excellente idée et ça marche !
la présentation du matériel de cuisine à louer pour les fêtes
Le second groupe qui s’appelle « Puja » est composé de seize femmes et travaille sous forme de coopérative. Elles cherchent surtout à avoir des revenus réguliers.
Elles ont commencé a ensemencé deux petites mares tout près, l’une avec 15 kg de semences de poissons, l’autre avec 6 kg, poissons qui une fois devenus gros seront vendus sur le marché local.
Elles ont également créé des décorations d’intérieur en bambou et les vendent sur le marché. Elles ont investi deux mille roupies pour cet artisanat qui leur rapporte trente mille roupies de profit pour trente familles concernées.
L’assemblée des femmes se réunit une fois par mois dans ce village et répond aux problèmes qui se posent à la communauté, comme la famille d’un garçon qui demande trop de dot à la famille de la fille. Par exemple dans ce cas c’était une moto et deux cent mille roupies (2500 euros) ce qui obligeait la famille de la fille à vendre leur terre ou à emprunter à un usurier jusqu’à la fin de leur jour et celle de leurs enfants. Le problème de la dot est toujours aussi crucial en Inde surtout rurale et c’est cela qui maintient le sacrifice des filles. Dans ce village, j’ai posé la question, des femmes ont avoué avoir tué des filles car elles en avaient déjà une ou deux et voulaient avoir seulement un garçon.
Cette assemblée de femmes peut intervenir aussi pour aider à des conflits familiaux.

Les femmes voudraient pouvoir faire de l’agriculture biologique sur un petit terrain communal en friche. Mais il faudrait d’abord prévoir l’irrigation et il faut du matériel spécifique pour creuser et elles n’ont pas l’argent pour le faire. Mais cela fait trois ans qu’elle demande ce terrain au gouvernement local sans jamais avoir obtenu de réponse malgré leurs relances. Il faut dire qu’elles n’ont pas proposé de payer le fonctionnaire…
Si les hommes du village les soutenaient, elles apprécieraient.

A suivre pour le 2e village… mais après la visite du premier nous allons nous restaurer dans une petite gargotte près d'un temple à Siva et Durga.
la préparation de nos chapatis
et mon fidèle Polo qui lorgne sur mes frites !