vendredi 27 mai 2011

La Roumanie, ce n'est pas fini !

Pour fêter ses 20 ans, l'association Grenoble Isère Roumanie (GIR) présente une exposition sur le cimetière joyeux de Sapanté (voir aussi ici sur le blog)
L’exposition que GIR vous propose à la Maison de l’International comprend une stèle et 28 bas reliefs polychromes, répliques des œuvres du Cimetière Joyeux. Des panneaux explicatifs, des photos et un diaporama vous transportent à Săpânţa. Les épitaphes, traduites en français, vous plongent dans l’atmosphère atypique de ce lieu chargé d’émotions.

Pour continuer du côté cimetière, mais cette fois ci beaucoup moins joyeux, j'ai découvert très récemment des écrits d'Elena Ceaucescu, publiés dans un petit livre intitulé "Carnets secrets".

Côté historique, Nicolae Ceausescu dirigea la Roumanie d'une main de fer de 1965 jusqu'à la chute en cascade des régimes communistes d'Europe de l'Est en 1989. Après des manifestations de rue réprimées dans le sang à la mi-décembre à Timisoara (ouest) puis à Bucarest, il avait fui la capitale en hélicoptère le 22 décembre 1989. Arrêtés quelques heures plus tard, les Ceausescu avaient été jugés au cours d'un procès sommaire dans une caserne de Targoviste, à huis clos, puis fusillés.

Côté littéraire, Flammarion, qui a acquis les 564 carnets retrouvés à Bucarest dans les locaux du Comité central que venaient d'abandonner le couple Ceausescu, n'a publié que des morceaux choisis, et quel choix ! "Nous avons tenu à privilégier les temps forts" ont dit les traducteurs.
Pour être forts, ils sont forts, et il convient de s'accrocher parfois fermement à sa chaise pour se demander dans quel monde vivait Elena, quelle éducation elle avait reçu, et si elle n'était pas plus proche de l'asile psychiatrique que du bureau du dictateur, son Nick de mari à qui elle imposait d'une main de fer régime amaigrissant et vitamines obligatoires. "Trop de licence, dans ce pays. Il leur faudrait une femme de poigne. Une dame de fer comme moi" note-t-elle dans son carnet lors de leur réception chez Philippe et Elisabeth d'Angleterre. "Les enfants royaux se promènent dans Londres sans escorte ! Ils feront moins les fiérots quand un dissident leur jettera des fruits pourris au visage !" Car bien sûr, en Roumanie, leur pare-brise de voiture en recevait quelques uns de fruits pourris, malgré les risques encourus !
Des réflexions d'enfant gâtée quand elle note toujours par rapport aux souverains britanniques : "ils ont un yacht plus grand que le nôtre, mais nous avons plus d'avions privés qu'eux."
Il ne s'agissait pas de la contredire en aucun cas sous peine de mort violente... elle note : "l'oculiste m'a dit que j'avais besoin de lunettes. Je l'ai traité de petit intellectuel bourgeois". Et l'on apprend par les notes de bas de page qu'il a été fauché dès le lendemain par un camion en sortant de son cabinet. C'était la méthode d'assassinat "Elena" et les petites amies de ses fils qui ne lui plaisaient pas se retrouvaient rapidement écrasées... elle note en 1981 : Erton Cenea, (qui était son chauffeur officiel de 1979 à 1983) a essayé trois fois d'écraser la fiancée de cette godiche de Valentin. Trois ratages et une aile froissée. Il vieillit ?" Elle décide donc de la faire enlever par des hommes de la Securitate, qui vont la saouler et l'entraîner dans une partouze qui sera filmée et montrée au fiston ensuite ! On apprend ensuite que "les imbéciles de la Securitate se sont trompés sur la marchandise. Ils ont enlevé et saoulé une fille qui portait le même manteau que la "fiancée" de cette nouille de Valentin ! J'ai vu la vidéo. Je la garde quand même pour ma collection de pornos". (Canal+ en a acquis tout le stock !)
ou noyée : "Valentin veut nous présenter sa poule qui est enceinte ! Si je la faisais noyer dans la Mer Noire ?"
Quant à sa fille, elle la poussa à l'alcoolisme pour mieux la surveiller et la diriger et lui mettait de la vodka dans ses bouteilles d'eau minérale.
Si ce n'était pas vrai, on en sourirait... Dans le carnet 197 en 1980 : "Souterrains de la Securitate. Nous avons capturé un espion hongrois dans la rue et nos spécialistes lui cognaient la tête contre le mur pour qu'il avoue. Il criait. Je suis bien embêtée et j'ai demandé si les Hongrois criaient toujours quand on leur posait une question. On m'a répondu que oui."
Elle fourrait son nez partout et donnait son avis sur tout. Le problème c'est que personne ne résistait à ses idées saugrenues comme de faire gonfler d'air les nageuses de l'équipe nationale avec une pompe à vélo. Elle note : "trois de nos vaillantes nageuses ont mal supporté le régime. Leurs intestins gonflés d'air ont éclaté et il a fallu les achever. Les familles des héroïques sportives ont reçu des médailles commémoratives et une ration supplémentaire de poisson frais." C'est tellement énorme qu'on a vraiment du mal à y croire et qu'en lisant ce genre de chose on hésite entre le fou-rire et l'horreur glacée. La bêtise, la méchanceté, la perversité de cette femme est sans borne et c'est quasiment une fascination que de se demander ce qu'on va bien pouvoir découvrir à la page suivante. Et on devine aisément la pauvreté et la vie de terreur que pouvait avoir une partie de la population.

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