mercredi 5 août 2009

Voyage à Barmer


Barmer, ville commerçante dans le désert du Thar, qui commence à devenir une ville riche car on y a trouvé du pétrole, ses dunes, pas touristiques pour trois roupies, pas grand chose dans les guides, à plus de 150 km au sud de Jaisalmer et 3h30 de bus est renommée pour son artisanat : tissages traditionnels, teintures végétales, impression manuelle par blocs sculptés, sculptures sur bois, tapis de laine...
A Delhi, j'avais eu cette adresse d'artisan de Barmer et hier matin, hop dans le bus à 6h30. C'est le bus des instits, tout le monde lit le journal, papote agréablement et les nombreuses jeunes femmes, parfois arrivées à la dernière minute assises en amazone à l'arrière d'un scooter conduit par un frère ou un mari, s'égrènent tout au long des vingt-cinq premiers kilomètres, de carrefour improbable en école invisible au bout d'un chemin encore carrossable. La profession s'est féminisée ici aussi. Certaines feront bien une heure de bus pour aller faire ensuite un kilomètre dans la campagne pour retrouver leur petite école.
J'arrive à Barmer à 10 h, prend un rickshaw (taxi local) et me rend à l'adresse indiquée, c'est son adresse personnelle, il me faut donc ensuite partir vers la fabrique dans la petite banlieue. Je me présente, le patron me reçoit, et chaque fois je suis tellement agréablement étonnée de la façon dont tous les gens me reçoive, si gentiment, prêts à me donner leur temps autant que j'en aurai besoin... Il me fait visiter les lieux, des baraquements, des cuves en pierre pour la teinture, cela fait un peu taudis. C'est le seul artisan actuel ici faisant toutes les impressions sur tissus entièrement à la main et avec des couleurs naturelles végétales : les feuilles d'indigo pour le bleu, l'écorce de grenade pour le jaune, etc. La préparation de l'indigo a été commencée il y a 60 ans et chaque litre utilisé est remplacé par un nouveau litre de décoction (feuilles trempées 15 jours dans l'eau), ce qui donne une couleur dense et profonde. Les écorces de grenade sont mises à bouillir 24 h avec le tissu, et la consommation est de 10 à 12 tonnes par an. Les achats de matières premières se font par camion une seule fois par an.
Il faut le travail de 25 personnes par jour pour faire l'impression de 50 à 70 mètres de tissu de une à trois couleurs. Chaque personne s'occupe d'un bloc sculpté (qui peut faire 5 cm sur 5 ou 20 cm sur 20 en fonction des dessins sculptés) qu'il trempe délicatement dans un bac de peinture végétale et applique avec une régularité d'horloge sur le tissu, et ceci sur 6 m de longueur, et recommence sur un autre tissu.

Le suivant reprend le premier tissu et applique un second bloc sculpté sur le premier dessin pour le compléter et rajouter une couleur et ainsi de suite.
J'avoue avoir été pleine d'admiration pour un immense dessus de lit imprimé réversible de façon absolument symétrique et parfaite, composé avec 30 mille impressions de blocs, il faut un an pour le faire, et seules douze pièces par an sont faites de cette façon.
Seulement dix clients en Inde, dont le plus important est Fabindia qui s'occupe des exportations.
Trente mille litres d'eau sont nécessaires tous les jours. L'eau provient de deux puits personnels et n'est tirée que deux heures par jour. Chose incroyable dans le désert, ces puits (100 m de profondeur) ont toujours fonctionnés depuis des générations. L'eau peut être recyclée pour l'agriculture car seuls des végétaux sont utilisés.
Je vais ensuite rendre visite à une plus grosse entreprise d'artisanat qui fait travailler mille personnes chez elles et 520 à la fabrique : couvre-lits, coussins, sacs de toutes tailles, tout est brodé à la main avec des motifs traditionnels, inclusions de petits miroirs, applications, fils d'or ou d'argent... Peu d'ouvriers en ce moment car pendant la période de mousson, tout le monde s'occupe de ses champs et lopins de jardin, mais je peux voir un ébéniste sculptant délicatement des montants de lit, des tisserands, des menuisiers... Le patron m'emmène ensuite dans son gros 4x4 climatisé me montrant ses projets d'éco-tourisme dans la dizaine de kilomètres autour de Barmer ! Il pense que d'ici peu, les touristes viendront et il sera prêt à les accueillir, restaurant, hôtel, promenade dans les dunes...
Il me dépose juste à temps pour le départ du bus, même chauffeur tranquille que ce matin pour venir. Et au crépuscule, entre vaches et buffles, se dessinent les éoliennes de Jaisalmer.

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