mardi 26 février 2013

Un grand arati à Bénarès


Ambiance « Shiva ».

Tous les matins et tous les soirs sur le bord des fleuves en Inde, au lever et au coucher du soleil, on fait l’offrande du feu ou des cinq sens au fleuve. Cela peut être une cérémonie très intime, familiale ou théâtrale comme l’est celle de Bénérès sur cet endroit des ghats.

Ce soir c’est la fête, c’est la foule, c’est la folie sur les ghats de Varanasi (les escaliers qui sont le long du Gange à Bénarès).
Sur le fleuve une centaine de barques sont alignées, encastrées, imbriquées les unes dans les autres et remplies de centaines de pèlerins. On croirait qu’il y a aussi des gradins sur le Gange, bourrés à ras bord.
Des flashes crépitent, les petites coupelles avec bougie et fleurs traînassent le long de la rive ou filent à grand train en fonction des courants. La lune, à la couleur assortie aux néons du quai, s’affiche ronde dans le ciel noir dont les étoiles ont été tuées par l’orgie lumineuse.
Des sâdhus (renonçants) qui n’ont pas fait vœu de pauvreté photographient avec leur portable dernier cri la foule et les lieux de la cérémonie délimités par des rangées de lumignons.
Un Oooooommmm qui ne s’essouffle pas traîne sur l’harmonium pour marquer le début de la cérémonie. Les cloches tirées par des ficelles s’agitent en haut des portiques en bambou, les officiants secouent énergiquement leur propre clochette et la cacophonie est assurée par l’harmonium, le chanteur et les haut-parleurs grésillant au maximum de leur volume. L’ambiance mystique est assurée par un premier ballet de mouvements avec un bâton d’encens (l’odorat) dont la fumée légère virevolte au-dessus des têtes. Puis c’est au tour d’une rose, la vue, (tiens, c’est un nouvel ajout dans le cérémonial, ça devient romantique), puis le gros chaudron de charbon brûlant avec de l’encens qui dégage de vigoureuses fumées, assurent l’ambiance pour les photos tout en purifiant l’atmosphère.
Puis les grands chandeliers pyramidaux qui pèsent un poids considérable et qui permettent aux sept jeunes brahmanes officiants de se muscler un peu les biceps, se montent et se baissent au rythme des mantras. Les sâdhus vidéastes utilisent leur téléphone mobile pour filmer la cérémonie et peut-être ensuite la montrer à leurs frères de chilom au pied des Himalayas.
Pour continuer la séance de musculation, de petits chaudrons en bronze surmontés de la quintuple tête du cobra sacré sont élevés à deux mains aux quatre coins cardinaux.
Puis vient le tour des éventails en plumes de paon. Quelques jets de pétales d’œillets d’Inde finissent en pluie sur les barques en-dessous de l’estrade. Les conques retentissent et c’est au tour de grands balais-queue-de-cheval à dessiner en cadence le cercle de l’arati. Les moustiques et les éphémères virevoltent en rythme autour des lampadaires.
Prise par l’ambiance que provoque le gigantisme de la foule ce soir je suis surprise de l’arrêt de la cérémonie qui me semble raccourcie. Ai-je rêvé ou manqué des séquences ? Celle de l’eau avec les conques, celle du petit mouchoir qu’on agite… Mais c’est ça aussi l’impermanence. Pourquoi s’attendre au pareil, au semblable, puisque tout change. Sur un même endroit du Gange, l’eau qui passe n’est jamais la même.
Mais tous les swamis (enseignant religieux, qu'on pourrait traduire par "moine") que nous avons rencontré nous enseignent qu’il y a un lieu en nous qui est éternel, immortel, et tous les sages vous le diront ici. Un lieu où on est dans le bonheur…
Je vous souhaite de le trouver et d’y rester.
une vue partielle de la foule ce soir là... (photo Ronald Chrétien)

1 commentaire:

Isabelle a dit…

Mon plus beau souvenir !
Bon voyage.
Bisous.
Isa