La découverte d'une ville à travers l'écriture est toujours une belle surprise ! Se poser dans un lieu, que ce soit un musée, une station de ski, une usine à papier permet à l'imaginaire de vagabonder mais aussi d'appréhender les lieux d'une autre manière. Nous écrivons ici à l'intérieur de la gare de Bilbao et nous avons comme invitation d'écriture à concevoir un petit récit pendant 30 minutes avec comme seule condition celle de mettre la
phrase : « finalement, sa décision était prise ».
Chacun a donc parcouru la gare pour se trouver un petit coin au chaud car même en cette fin de mois de mai dans le Pays Basque espagnol, il faisait frisquet. Certains se sont précipités au café, d'autres sont restés dans les courants d'air... Sans aucune idée de ce que j'allais écrire, je me suis installée dans une petite salle d'attente déserte et fermée, bien tranquille et j'ai regardé autour de moi. J'ai vu une femme derrière son guichet, et cela a donné ce texte...
Récit écrit dans la gare de
Bilbao
CHANGEMENT
DE VOIE
Elle avait laissé les enfants
chez la nounou à toute allure puis elle avait sauté dans le tram en oubliant de
valider sa carte car le tram était là glissant doucement sur les rails au
milieu de l’herbe verte. Elle s’arrêta après le théâtre, remonta le quai, passa
le pont et se dépêcha dans les escaliers qui arrivaient au niveau de la gare.
Elle n’était pas entrée dans le
grand hall de la gare qu’elle percevait déjà le téléphone sonner. Sa chef, qui
devait probablement l’appeler pour vérifier sa présence. Elle entra dans le
bureau et sauta sur le combiné pour effectivement lui dire bonjour d’un ton
tranquille comme si cela faisait un quart d’heure qu’elle était là.
Les trois notes « Ding, deng,
dong » qui avertissaient les voyageurs d’un prochain message et elle
entendait sa chef qui lui demandait si elle était à la relève.
Elle enfila son uniforme et fila
dans sa boîte en verre, vérifia son micro, fit un clin d’œil à sa collègue pour
lui signifier qu’elle prenait la suite et regarda les prochains départs sur
l’ordinateur.
« Le train à destination
d’Orduna, départ 20 h, va entrer en gare voie 2. »
Et voilà, encore des gens qui
partaient à la campagne ou à la mer, en vacances ou au travail. Mais à 20
heures, on ne partait pas au travail, elle, si. Elle commençait à en avoir
assez de ces horaires décalés maintenant que les filles étaient plus grandes et
qu’elle avait envie de passer les soirées avec elles.
Elle vérifia si le numéro du quai
était bien affiché sur le grand tableau lumineux, regarda les prochains
départs, tapota les numéros des trains et leur destination, demanda au poste de
contrôle pour avoir le numéro des voies. Elle appuya sur la touche
« Entrée ».
« S’il vous plaît,
éloignez-vous de la bordure du quai, le train venant de Madrid va arriver voie
3. »
Et voilà, tous les soirs, c’était
pareil, les trains partaient, les autres arrivaient et elle, restait là. Les
voyageurs avec leur valise à roulettes, leur sac à dos, leur baluchon,
montaient dans les trains, en descendaient, et elle, restait là. Les aiguilles
de la grande horloge tournaient, des gens couraient, d’autres cherchaient celui
ou celle qui étaient venus les attendre. Et elle, restait là, seule avec ses
filles, avec ce clavier d’ordinateur, ce micro et sa voix mélodieuse qui
annonçait les prochains départs, les arrivées à l’heure ou avec du retard. Et
en plus, avec cet horaire elle ne pouvait même plus aller à la chorale…
Elle regarda sa montre. Elle en
avait encore des trains à annoncer ! Elle avait envie de… Et finalement sa
décision était prise : demain, elle ferait sa demande pour passer en
horaire du matin.
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