jeudi 21 mars 2013

Bokaro : les mines de charbon


Bokaro, les mines illégales
Aujourd’hui nous partons faire encore bien des kilomètres en voiture pour aller dans la région de Bokaro à la rencontre des mineurs. Mais pas n’importe lesquels. Ils font partie des peuples tribaux du Jharkhand, ils voient tous les jours les énormes machines dévorer leurs terres, dévaster leurs forêts, polluer leur eau. Ils se battent, mais avec le principe de la non-violence chère à Gandhi et demandent sans cesse au gouvernement de leur donner une terre pour avoir de quoi vivre et nourrir leur famille. Ils travaillent dans les entrailles de cette terre, tous les jours, sans relâche, par équipe de dix, à tailler dans la colline pour extraire du charbon. Leurs mines font des centaines de mètres, jusqu’à un kilomètre de profondeur, et ils étayent du mieux qu’ils peuvent mais parfois, ils ont peur que tout s’écroule. Cela arrive de temps en temps et fait des morts. Ils veulent la reconnaissance légale de leur travail. Ils veulent pouvoir travailler sans le harcèlement de la police ou de la mafia qui travaillent main dans la main. Ils aimeraient vendre leur production à un juste prix. Pendant la journée, à dix, ils extraient quatre tonnes de charbon, qu’un tracteur vient charger pour deux mille roupies (30 euros), soit deux cents roupies (3 euros) par jour de travail.
Si ce travail était légalisé, ils pourraient se constituer en coopératives et vendre alors ce charbon au prix officiel du marché de huit mille roupies la tonne soit trente deux mille roupies par jour (480 euros). Mais le gouvernement, en collusion avec les sociétés minières, refusent de légaliser leur travail.
Nous partons à leur rencontre après quelques kilomètres de chemins défoncés dans la forêt, en voiture puis nous sommes obligés d’aller à pied. Quelqu’un qui les connaît bien nous a devancés en moto pour les avertir de notre venue afin qu’ils ne croient pas que ce soit la police qui arrive.
Pour augmenter la tension, la forêt brûle un peu partout, ils font du nettoyage et les feuilles sèches crépitent sous la chaleur des flammes. Certaines prennent un peu peur et veulent rebrousser chemin. Mais les arbres ne brûlent pas et même si paradoxalement on ne voit personne pour surveiller ces feux, ils seront éteints lors de notre retour.
le chemin de tous les risques ?
c'est impressionnant de voir le feu qui avance et nous entoure
Au bout d’un certain temps, nous arrivons aux entrées des mines qui s’échelonnent tout au long du chemin comme des entrées de trous de marmottes. Nous nous glissons dans une des entrées, toute fraîche, il fait très noir, nous ne distinguons que de toutes petites taches de lumière éparpillées autour de nous, telles des lucioles qui papillonnent. Ce sont les toutes petites torches des mineurs qu’ils accrochent au niveau de l’oreille en les coinçant dans leur turban.
une entrée de mine
l'aventure ?
Nos yeux s’habituent progressivement et ils nous montrent comment ils travaillent, leur installation, les galeries. Comment ils fuient au fond des galeries quand la police arrive, car elle n’ose pas s’aventurer très loin dans ces labyrinthes obscurs.
l'intérieur de la mine qui s'enfonce ici sur un km et le plafond étayé
le charbon affleure partout mais il faut quand même taper fort
Puis nous sortons tous à l’air libre et Ram, le travailleur social qui nous accompagne, en profite pour faire un meeting et leur expliquer qu’il faut revendiquer la légalité pour leur travail, pour pouvoir manger à leur faim, pour ne plus perdre leurs terres, pour obtenir de l’eau potable. Dans cette région, déjà plus de six millions de personnes ont été déplacées à cause des mines et deux millions le seront encore dans les prochaines années si les revendications ne se font pas plus tenaces pour obliger le gouvernement à arrêter de concéder des territoires aux entreprises minières, si personne ne vient les aider et les soutenir dans ces demandes justifiées.
meeting pour information sur les droits
petit à petit les mineurs sortent des trous et viennent écouter.
Puis nous repartons voir une mine à ciel ouvert tout prêt d’ici et qui est exploité depuis une quarantaine d’années. Les couches de charbon sont en strates horizontales et il est facile d’en extraire le minerai en creusant de plus en plus la colline. La noria des camions, les machines à extraire, tout est mécanisé et ces mines n'offrent pas d’emplois aux habitants des environs qui se voient petit à petit obligés de quitter les lieux, souvent quasiment sans dédommagement car ils sont trop pauvres et illettrés.

mine à ciel ouvert, avant c'était la forêt... là-haut !
Nous imaginons avec un peu de difficulté quand même le paysage de forêts et les villages tribaux quarante ans auparavant… Et encore, là c’est une petite mine… (voir sur mon blog les articles sur d’autres lieux dans la même région).
Nous terminons la journée en allant voir la centrale thermique. L’eau noire pleine de poussière de charbon est rejetée dans des bassins de décantation.
eau rejetée dans le bassin
Le bassin rempli de ces impuretés est asséché et les camions viennent le vider pour aller de nouveau remplir les excavations où l’extraction a été terminée. Nouvelle noria de camions.
un des bassins de décantation en train d'être vidé
paysage urbain et noir... la centrale thermique.
Nous terminons notre journée pleines de poussière des pieds à la tête, l’âme bien triste, les poumons dans le brouillard, en se demandant où va le monde.

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