Etranges entrelacs de ma vie… marcher pendant un mois avec les plus pauvres a été l’une des expériences les plus « enrichissantes » de ma vie, tout en sentant bien les limites, de la langue, de la culture, de la civilisation. Mais l’intensité du regard, la bonté du sourire, l’accueil chaleureux du geste font que le partage existe, que l’autre est un prolongement de soi-même, sinon, comment expliquer ma présence ici ? Et puis quelques semaines plus tard, sans vouloir faire l’impasse sur la disparition, que j’ai toujours imaginée improbable, d’un père discret et solitaire, me voici en croisière avec quelques petites centaines d’autres personnes, tout petit groupe par rapport aux vingt cinq mille Indiens d’octobre. Et là, découverte d’un autre monde, d’une autre façon de vivre. Et le navire vogue… pour nous : déplacements bien limités sur le bateau, du restaurant au pont, du bar au salon. Rencontres autour d’une activité, conférence, jeu, sport, boire un verre, jouer à la balle, manger quatre fois par jour. Irrémédiablement, je repense à cet homme qui me confiait aller dormir le soir le ventre creux après toute une journée de travail dans les champs. Comment puis-je cohabiter intérieurement avec ces visions du monde ? Comment j’ose vivre les opposés tout aussi pleinement, mais de façon bien différente ? Je suis caméléon, qui me fond dans le paysage, mon art du camouflage me permet d’être à l’aise partout. C’est ce qui fait aussi notre richesse personnelle, ce qui nous permet de résister au stress, à la jalousie, à l’hypocrisie. S’adapter, devenir liane, souple, qui va de lieu en lieu, tout en restant elle-même, accrochée à son arbre, connectée à ses racines. Avec une mémoire des vécus antérieurs, ne rien oublier, et rester présente à ce qui est là. Quelle richesse nous avons ! Non seulement de le vivre mais aussi d’en avoir la perception.
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