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lundi 14 novembre 2011

De Gumla à Hazaribagh

Avant de quitter Gumla et notre « guest house » située dans le parc du collège Saint Ignace, tenue de main de maître par les Jésuites (dès leur arrivée  nous voyons les élèves en rang et en uniforme effectuer des mouvements de gymnastique afin de les mettre en condition avant la rentrée dans les classes) nous discutons un moment avec le père de Brouwer d’origine belge et depuis plus de 20 ans dans la région. Il a l’esprit très ouvert –au delà des questions religieuses - et il nous explique que le but à atteindre dans l’aide aux peuples tribaux est de les amener à ce que les changements et les décisions viennent d’eux-mêmes et non de l’aide extérieure.
Selon lui la situation dans la région s’améliore petit à petit et les cultivateurs ne meurent plus de faim. C’est son opinion mais nous rencontrerons par la suite des travailleurs sociaux qui ne sont pas de cet avis ! Qui croire ?
Nous faisons ensuite une visite, hélas trop rapide, d’un très beau musée des peuples tribaux situé dans le parc du collège réalisé par un autre père jésuite avec des fonds hollandais.
Notre guest-house et le monument à la gloire des peuples tribaux
devant l'entrée du musée

Le père jésuite créateur du musée, toujours présent
et qui a accomplit un travail immense de collecte
pour ce splendide musée
Les peuples tribaux, qui peu à peu sont rejetés de leur propre contrée.
La grande fresque en mosaïques du mur d'entrée du musée

Des peintures sur les murs retraçant la vie quotidienne ; des maquettes, des outils etc.… le tout très intéressant mais il nous manque du temps et des commentaires.
un exemple de village tribal Khuntkatti
un autre type de village tribal
scène de chasse typique comme on a pu en voir une démonstration
dans un des villages

Au dernier étage une superbe exposition de peintures d’artistes aborigènes contemporains de tendance très moderne et qui ne dénoterait pas dans une expo branchée à Paris !
Les peintures tribales traditionnelles Khobar et Sohrai
comme celle ci-dessous qui racontent la faune et la flore
scène de la vie quotidienne : le retour des champs
le ramassage du bois pour faire la cuisine
Une partie de la grande fresque du dernier étage
où se mêlent travaux des champs et des mines

Sur la route de Gumla, de passage à Ranchi nous nous arrêtons pour rencontrer des représentants d’une organisation qui œuvre pour le développement des terres sous exploitées ou dévastées (SPWL society for promotion of wasted land). C’est une association indienne répartie sur 13 états (dont le Jharkhand) et financée par des fonds philanthropiques indiens et européens (Hollande, Allemagne, Suisse, Suède…) versés pour des projets bien définis.
Ils travaillent également avec d’autres associations (comme EKTA PARISHAD et Birendra qui nous a organisé ces rencontres si instructives) qui ont pour but de défendre les droits des peuples tribaux qui ont été expulsés de leurs terre par des industries ou des mines. La loi exige, qu’une fois l’exploitation abandonnée, les terres  de la mine soient réhabilitées mais ce n’est que rarement réalisé et c’est à ce genre de combat que ces organisations se consacrent. Nous aurons l’occasion demain de voir une mine de charbon  à ciel ouvert et de voir combien  les terrains ont été laissés tels quels.
Le SPWL s’attache aussi à la recherche de nouvelles semences (essentiellement de riz) et à la promotion chez les paysans du SRI (system of rice intensification) méthode de culture très prometteuse qui consiste à planter le riz en lignes moins serrées de manière à pouvoir y passer une petite charrue à main ce qui permet d’obtenir un bien meilleur rendement.
Nous quittons ces représentants du SPWD avec regret tant leur enthousiasme est grand et leurs projets intéressants.
En chemin, sur la grande route nous croisons de pauvres hères poussant péniblement leur vélo chargé d’énormes sac de charbon (4 à 500 kg) qu’ils emmènent au prix d’efforts qui nous semblent surhumains dans des villes situées parfois à 80 km (2 jours de marche). Lorsque les mines sont désaffectées ils ont la possibilité de récolter gratuitement le charbon de seconde qualité et d’aller le vendre pour leur compte là où on veut bien le leur acheter. Mais au prix de quels efforts !!!!



Nous terminons cette journée bien remplie par un énorme embouteillage sur la route mais notre chauffeur imperturbable, à coups de klaxon et de dépassements illicites, finit par nous amener sains et saufs à Hazaribagh.
Merci à Marie-Thérèse et Jacqueline pour leur compte-rendu de ce jour !

dimanche 13 novembre 2011

Dans les villages tribaux du Jharkhand

Samedi 12 et dimanche 13 novembre 2011
Inde-Jharkhand et district de Gumla
Nous arrivons ce samedi matin à la gare de Ranchi, capitale du Jharkhand. Sunil, un des travailleurs sociaux de l’équipe de l’association NSVK (Naya Savera Vikas Kendra) nous attend avec un minibus à la sortie de la gare et nous partons pour le district de Gumla à une centaine de km au sud-ouest de Ranchi.
Dans ce district de Gumla résident 77 % de peuples tribaux et c’est le district le plus pauvre de l’état du Jharkhand, le Jharkhand étant quasiment l’état le plus pauvre de l’Inde…Trente-trois tribus différentes habitent cet état, avec pour chacune une langue et des traditions différentes.
Cet état très riche en ressources minières, regorge de charbon, bauxite, mica, argent, et les grands groupes miniers déplacent les populations avec l’accord du gouvernement pour exercer leur industrie. Six millions de personnes ont été déjà déplacées et trois millions sont en voie de l’être. On sait très bien que les peuples tribaux sont les meilleurs protecteurs de la forêt et les deux sont en grand péril. Mais on sait la puissance de la « mafia minière » (voir le 18 novembre sur ce même blog).
Un des problèmes importants pour que ces peuples puissent se défendre est que seule 2 % de la population est alphabétisée et leur langue est tribale. La solution est donc de trouver un instituteur qui puisse parler cette langue et l’hindi pour faire le transfert des connaissances, et il doit progressivement s’adapter à tous les niveaux de scolarité. La plupart du temps, cela peut être un « enfant du pays » qui a réussi et revient dans son village pour l’enseignement.
Le Jharkhand est un beau pays avec des sites touristiques naturels, forêts, cascades, un bel artisanat tribal (soie, bambou),des tissus brodés, des peintures traditionnelles que nous avons pu admirer au musée des peuples tribaux dans notre centre d’hébergement de Gumla.
Cent dix associations travaillent à l’essor de cette région.

Nous sommes accueillis à Gumla au centre de St Ignace, comprenant de grands établissements scolaires pour garçons et filles tenus par des Jésuites, ainsi qu’un très beau musée sur 4 étages sur les peuples tribaux et un centre d’hébergement pour stagiaires divers dont nous faisons partie. Puis nous partons pour Palkot où se trouve le bureau de NSVK. L’association a été choisie par Caritas India après une demande de parrainage de la part du gouvernement écossais et de l’association SCIAF (Scottish Catholic International Aid Fund) pour une aide à des villages d’agriculteurs pauvres en Inde.
 NSVK a pour mission l’amélioration du bien-être des communautés à travers une amélioration durable dans la production agricole. Le projet dans le district de Gumla est prévu jusqu’en mars 2013.Les résultats espérés sont de diminuer de 30 % le taux des personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, que les femmes soient agents de la croissance, accèdent aux décisions et pour le côté agricole augmenter les rendements en perfectionnement le stockage des pluies.
Ce projet implique dix nouveaux villages par trimestre, avec une réunion chaque mois et la planification du futur avec les dirigeants de chaque village qui font le lien ensuite avec la population. Ce plan touche 5607 habitants, le plan est fait pour un projet de 60 000 champs dont 12 000 sont terminés. Les fonds donnés par l’organisme écossais sont vérifiés régulièrement et un dirigeant écossais va venir en janvier prochain.
Les techniques de production sont améliorées pour le riz, les champs sont découpés en petits carrés et labourés à la charrue à un soc 39 fermiers utilisent déjà cette méthode et un pied de riz donne 95 bouquets au lieu de 25 en agriculture normale.
explication sur le SRI System of Rice Intensification
La reforestation est en cours. L’aide aux veuves se manifeste sous forme d’élevage de porcelets à engraisser.
L’amélioration de la santé fait partie du programme et les chefs de village sont formés. Une organisation se fait au niveau du village pour la réalisation d’un compost biologique à base de bouses de vaches, de déchets organiques et de vers (vermi compost) ce qui élimine l’achat d’engrais, de fertilisants, donc fait faire des économies et donne une production biologique meilleure pour la santé.  Quarante hameaux du district seront en agriculture biologique d’ici deux ans. Le projet est que dix villages soit 700 fermiers fabriquent du compost biologique, 141 vont s’y mettre et ceux qui pratiquent déjà sont contents car les rendements s’améliorent ainsi que leur santé. Il y a la possibilité d’un marché hebdomadaire pour vendre leurs récoltes.

Les femmes commencent à prendre toute leur place dans le village, deviennent entrepreneuses, ont une meilleure confiance en elles. Elles ont été encouragées à ne plus fabriquer d’alcool de riz à la maison, car elles ont compris qu’elles rendaient leur mari alcoolique, se faisaient battre et maltraiter lorsqu’il avait bu. La santé des hommes y gagne ainsi que la tranquillité des femmes !
Il ne faut pas croire que tout fut simple au démarrage et que l’accord de la population se fit facilement. C’est un travail de longue haleine mené finement par les travailleurs sociaux, qui arrivent à convaincre d’abord une personne du village, travaillent avec elle, et en voyant les résultats, les autres arrivent petit à petit aux réunions de village. Le démarrage fut très difficile mais les résultats actuels sont déjà prometteurs..
Nous partons ensuite avec l’équipe des travailleurs sociaux dans le village de Kurum.
Entrée en procession chantante et dansante dans le village
Pour nous accueillir, la chorale des femmes !

Couronnes et colliers de fleurs ramassées dans les champs
Réception chaleureuse des villageois avec colliers de fleurs à profusion, couronnes de feuillages piquées d’œillets, de branchages, de fruits, nous devenons de vrais portraits d’Archimboldo !
Marie se demande si Julie va pouvoir tenir tout ça en équilibre !
Chacun de nous les félicitons et les remercions pour leur travail dans les champs, leur dynamisme, leur persévérance. Les hommes construisent une politique d’amélioration des cultures et de l’élevage et les femmes conduisent le village vers un bien-être général. Ces villageois se veulent un modèle pour les autres villages.

Un repas nous est offert, chapatis (galette de blé), lentilles et légumes en sauce, repas traditionnel indien que tout le monde a dégusté avec les doigts après un lavement des mains traditionnel. Nous avons apprécié leur générosité, leur hospitalité, leur gentillesse, leur volonté à se construire une vie meilleure. Et notre rôle c’est de le faire savoir afin que d’autres participent à l’aide pour que les décideurs restent à épauler tous les travailleurs sociaux piliers de cette réussite. Ensuite nous visitons le village, admirons leur petit jardin biologique qui est en train de pousser...
Visite du village et du jardin bio

13 novembre
Visite du village de Pithertoli et de nouveau une belle réception par les femmes du village qui nous attendent ce matin. Des jeunes femmes en sari de mariage, pot sur la tête viennent nous asperger pour bénir notre arrivée !
Les femmes viennent à notre rencontre
Nous partons en procession à travers le village, Julie se fait vêtir d’un voile de mariée et fait dire à tous qu’elle ne rentrera pas en France pour l’instant… :)
Julie n'en revient pas de se retrouver habillée en mariée indienne !
et elle fait l'unanimité pour sa beauté et sa gentillesse !
Repas offert dans une grande pièce où chacun essaie de nous faire prendre conscience des problèmes du village. Chacun à notre tour nous nous présentons et leur disons comme nous apprécions leur accueil et leur courage de se lancer dans des projets qui vont participer à l’amélioration de leurs conditions de vie.
C’est pour eux un grand honneur de nous recevoir et nous essayons d’être à la hauteur ! Mais c’est surtout nous qui apprenons d’eux, sur leurs conditions de vie, de travail, leur désir de sortir de la pauvreté, sur leur culture, et ils ont tous un don pour créer en chanson ce qu’ils ont à nous dire.
L'assemblée dans la salle du village
 A notre départ, un dromadaire et un éléphant viennent nous dire au-revoir, l’éléphant semble enchanter de vouloir se faire serrer la trompe !
tout le monde vient nous dire au-revoir !
Impressionnant mais gentil !
Le village suivant où nous devions nous arrêter est en deuil, un villageois vient de mourir et nous ne troublerons pas leur deuil. Nous passons dans un autre village sans grand monde, les femmes se lavent à la rivière et là aussi nous ne perturberons pas leur toilette. Sur le chemin du retour à l’heure du soleil couchant qui dore les cultures nous nous arrêtons pour grimper sur un rocher où se trouve une grotte avec une source qui ne tarit jamais, un petit temple s’y trouve également pour honorer Hanuman le dieu singe adorateur de Rama et Sita.

la vie simple de la campagne
se faufiler dans la grotte pour apercevoir Hanuman le dieu singe
Hanuman qui a dans son coeur les images de Rama et Sita
 Nous revenons au siège de l’association et Birendra « le big boss » nous rejoint et nous explique que si la construction des retenues d’eau se généralise les gens resteraient sur place. Une autre ressource locale est l’arbre à laque. Cet arbre fabrique une sorte de résine utilisée dans la bijouterie pour faire des bracelets ainsi qu’en cosmétique. Cela pourrait faire un débouché non négligeable mais il n’y a aucune unité de production et les cours étant très fluctuants, il reste une solution économique viable à trouver.
l'arbre à laque
 Une autre activité est la fabrication de coupes et d’assiettes en feuilles adroitement « cousus » par les femmes et elles aimeraient avoir une sorte de « machine à emboutir » pour améliorer la production. Les débouchés sont tous les restaurants qui servent dans des assiettes à "usage unique" !
présentation de la fabrication d'assiettes et coupes en feuilles
Défi difficile pour les travailleurs sociaux, super efficaces, enthousiastes, car le gouvernement ne fait rien dans cet état à cause du mouvement maoïstes, les naxalites, qui sont très présents et qui utilisent la violence contre les représentants de l’état et de l’ordre.
Deux journées intenses, vibrantes d’émotions, de gentillesse et de générosité, où nous sommes un peu confus de nous sentir considérés comme de « riches » occidentaux, que nous sommes bien sûr, face à une telle pauvreté ici. Tous s’imaginent un peu que nous avons la possibilité d’accéder aux hautes sphères politiciennes pour leur venir en aide, mais sûr, nous ferons tout ce que nous pourrons pour faire connaître leurs conditions.
Merci à Hélène pour son importante contribution et sans qui ce compte-rendu n'aurait pas vu le jour !