Petits tours autour de Dehra Dun
En octobre
dernier J’avais promis à Raju, excellent masseur ostéopathe d’aller le voir à
Udaipur en février, ses soins étant hors du commun pour ma part. Et j’ai pris
le train pour la destination opposée, Dehra Dun. Un groupe s’est annulé en
octobre avec qui j’aurais dû passer par Brahmpuri pour rendre une visite
amicale à Pierre Reyniers et les habitants de la léproserie. Pas assez de
personnes, le groupe est annulé. L’occasion se présente cette fois d’aller
passer trois jours à Dehra Dun et de profiter de la présence de Pierre pour
faire comme on dit « le tour des popotes ». Hukum Singh le chauffeur
m’emmène donc directement à Tara Parbat, que j’avais dû voir une fois il y a
une vingtaine d’années. Je me rappelle seulement de ce coin haut perdu dans les
collines, qui m’avait presque semblé être le bout du monde où quelques couples
tissaient et s’essayaient au papier fait à la main avec des inclusions de
pétales et d’herbes. Juste un aller-retour dans cette sorte de « Larzac »
indien.
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Tara Parbat, une des maisons avec derrrière les collines de Mussoorie |
Mais en y revenant bien des années plus tard, je ne vois même pas que
nous quittons Dehra Dun, les constructions ont gagné de partout et nous prenons
au bout d’une dizaine de kilomètres une petite route cimentée qui commence à
grimper dans les collines. Plein de nouvelles maisons apparaissent, ce n’est
plus tellement le bout du monde maintenant et c’est bien là un des problèmes
pour Tara Parbat. Le terrain fait bien des envieux et des promoteurs lorgnent
avidement sur les lieux. Petite mafia locale qui essaie à coups de milliers de
roupies de persuader les habitants d’aller voir ailleurs… Une première séance en
justice le 15 janvier, puis une seconde qui doit avoir lieu le 15 février va
donner l’orientation prochaine de l’avenir de cette petite communauté.
. Il reste à faire comprendre aux habitants des lieux que
l’attrait de l’argent ne vaut pas grand chose face à la qualité de vie qu’ils
ont actuellement, aux 35 ans de soutien de
KKM qui leur a fournit du travail et
les a toujours aidés. Difficile de leur faire comprendre que l’argent qu’ils
obtiendront n’est rien face à la fortune que va se faire le promoteur s’il peut
avoir le terrain et qu’ils ne retrouveront jamais ce qu’ils ont. Le promoteur
sait bien ce qu’il doit faire miroiter et bien peu ont cette conscience qu’ils
sont pervertis et manipulés si facilement.
Espérons que la
déesse de la sagesse ne sera pas détrônée par la déesse de la richesse !
Sarasvatî
contre Lakshmi…Attendre et voir.
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Une des fileuses, avec le sourire malgré le froid matinal |
Je passe donc
une journée et une nuit dans ces belles collines, prenant contact avec les uns
et les autres, photographiant tout le monde et les environs. Ce qui permet à
Pierre de faire quelques petites découvertes… En particulier la construction
d’un bloc sanitaires dont je n’ai pas photographié d’assez près la plaque
d’inauguration en hindi pour savoir qui est à l’origine de cette construction
et à quelle date elle a été terminée.
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Le bloc sanitaires tout neuf, offert par ? |
Accueillie
généreusement par Baghirathi, Baga pour les intimes, qui m’a nourrie et m’a
fait des délicieuses parathas au petit déjeuner, je profite du fait que sa
fille Tara et la fille d’Hukum Singh, Rekha, sont là et parlent parfaitement
anglais pour avoir des nouvelles de leur famille.
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Baga et les parathas du petit déjeuner |
Rekha travaille
à Delhi dans une petite agence de voyages et essaie d’obtenir des marchés des
clients de Grande Bretagne et d’Afrique du Sud. A elle de leur proposer le
circuit qu’ils demandent pour des services et un prix meilleurs que ceux des
concurrents, bien nombreux sur Delhi. Cela fait juste un an qu’elle a trouvé ce
poste en particulier grâce à des séjours en Angleterre qui lui ont permis
d’avoir un anglais parfait. Le salaire est maigre, douze mille roupies par
mois, ce qui lui permet à peine de quoi vivre à Delhi où elle est en
co-location. Elle espère pouvoir un jour avoir un poste dans le tourisme à
Dehra Dun. Elle a eu la chance d'avoir été prise en charge ainsi que sa soeur pour l'ensemble de ses études, bien que d'entrer en internat à cinq ans lui a laissé bien de douloureux souvenirs ! Sa sœur aînée Lakshmi est infirmière bien loin sur la route des
sources du Gange dans un hôpital à Kanprayag non loin de Badrinath. Elle est
mariée et son mari est dans l’armée, quelque part en Inde. Mariée depuis un an,
elle a plutôt un statut de jeune femme célibataire ! Il y a cinquante ans, en tant qu'enfants de lépreux, elles n'auraient eu aucune chance de faire des études et de trouver du travail.
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Rekha, une jeune fille courageuse et travailleuse, en week-end chez ses parents |
Tara est
infirmière mais pour cette année est formatrice au Mahendra Andresh Hospital de
Dehra Dun. Elle préfèrerait avoir un poste dans une clinique ce qu’elle va
essayer de trouver pour l’an prochain. Son frère aîné, Pramod est pathologiste
à Chandigarh.
Dans la nuit,
je sors de ma petite chambre préparée près de l’atelier et regarde le ciel et
toutes les petites lumières de Mussoorie qui brillent tout là-haut sur le
sommet de la montagne. Les lumières de Rajpur la petite ville en face et qui
est considérée comme le côté « riche » de Dehra Dun éclairent la
colline. Il fait froid et je retourne vite sous mes quatre couvertures jusqu’à
huit heures du matin, l’heure d’ouverture de l’atelier.
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la galerie où filent les femmes |
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le feu du matin pour se réchauffer les mains |
Tout le monde
se met au travail après s’être chauffé les mains autour d’un petit feu de bois.
La brume humide est là et le soleil pointe un bout de ses rayons bien tard dans
la matinée puis le ciel se recouvre.
La vie va…
chacun-e est à son métier, les hommes préparent et pèsent les rations de
lentilles, Hukum le chauffeur est un peu inquiet quant aux injecteurs de la
jeep qui est pourtant neuve.
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le pesage des rations de lentilles |
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Hukum surveille les injecteurs de très près ! |
Je descends en
début d’après-midi à Nalapani et Bangaraiha et sa femme m’ont préparé la
chambre des invités avec beaucoup d’attention, petit bouquet de roses, encens,
grosse couette, serviette de toilette, tout est là pour mon confort, même un
petit radiateur à résistance pour me chauffer les pieds avant de m’endormir…
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Près des ateliers, le curcuma qui est mis à sécher au soleil |
Avec Pierre nous commençons nos discussions ou plutôt il me tient au courant de
ce qui se passe et j’avoue que j’ai du retard, avec tous mes voyages, j’ai
parfois du mal à raccommoder les morceaux !
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l'atelier de tissage de Nalapani |
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Les journées
passées à Nalapani me font connaître les petits-enfants… La population
vieillit, les enfants déposent parfois les bébés chez les grands-parents pour
aller travailler. Pas facile d’assurer un nombre de mètres de tissage avec un
bébé dans les bras !
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Dhan et son petit-fils, pas facile de faire du tissage avec un bébé dans les bras ! |
J’en profite
pour jouer un moment à la mamie comblée et me réjouis de pouvoir donner le
biberon à un petit garçon qui semble avoir confiance, mais c’est un petit
goulu !
Une quarantaine
de personnes à Brahmpuri, soixante-quinze à Nalapani, vingt à Nav Jivan Gram et
seize à Tara Parbat, cela commence à poser questions sur la continuité de KKM
et sur le suivi de la production. Il faut se réjouir de savoir que la lèpre est
de mieux en mieux soignée (et non pas éradiquée) et surtout détectée à temps,
mais comment maintenant assurer le renouvellement de la population, les enfants
sont tous partis travailler ailleurs ayant pour certains fait de bonnes
études ?
Avec Pierre,
Noël et deux femmes tisserandes, nous allons rendre visite à Rajpur à JOYN, une
petite entreprise créée par une Américaine et qui fait travailler la léproserie
pour son tissage de coton de qualité et la fabrication de sacs.
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Les tissages de KKM chez JOYN |
Elle complète
ensuite par de l’impression sur tissu manuelle pour créer une ligne de
produits, sacs à main, sac à provisions, en les déclinant avec des tailles et
des formes différentes, l’utilisation de cuir, de boutons, de brides qui donnent
un caractère artisanal très chic et de bon goût à tous les produits qu’elle
propose. Elle emploie après les avoir formés des jeunes hommes, de minimum 16
ans, mendiants, drogués, alcooliques, handicapés à cause de la polio, et qui
sont volontaires pour changer de vie, avoir un travail et retrouver une
dignité.
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un jeune handicapé qui travaille, avec sa béquille |
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L'impression manuelle des sacs fabriqués par KKM |
A les voir s’appliquer pour poser leur bloc d’impression, on a du mal
à imaginer ce qu’ils pouvaient être « avant ». Il y a en tout une petite
trentaine de personnes employées et les contacts avec Pierre sont excellents.
On peut y voir là un signe pour, on ne sait jamais, un certain prolongement à
la léproserie… Leur société marche très fort aux Etats-Unis et ils envisagent
même de créer un nouveau marché en Angleterre.
Cela vous
permettra de voir la production KKM sous un nouvel aspect !
Et lisez l'historique de KKM pour mieux comprendre cet article :
http://kkmhandweaving.blogspot.in
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