Ce matin de bonne heure nous étions nombreux sur le camp pour dire un dernier au-revoir, un dernier "jai jagat" en joignant les mains pour saluer tous ces compagnons de marche. Tous les étrangers avaient un petit pincement au coeur, l'aventure est terminée, dans les meilleures conditions qui soient, mais quel vide ce matin, ne plus marcher avec eux ! Un petit deuil à faire, celui d'être portée par tant de foi évidente. Pas de doute, pas de question existentielle, si je veux continuer à vivre, si je veux que mes enfants mangent à leur faim, si je veux retrouver ma dignité de femme et d'homme debouts, je marche. Jusqu'au bout. Pour faire reconnaitre mes droits. J'entre en marche comme j'entre en religion. Avec foi, certitude et dignité.
Ils ont fait la fête hier soir. Certains sont partis rapidement retrouver leur famille, leur village. Ce matin, les camions se remplissent du matériel de cuisine, chacun s'entasse, les femmes et les enfants d'abord, les vieillards ensuite qu'on aide vigoureusement à grimper à bord.
La nuit a été fraiche et les petits feux encore chauds parsèment le camp. Les femmes font sécher leur sari avant de rentrer. Pas d'émotion particulière pour les départs, juste les yeux qui brillent parce qu'ils ont gagné.
Avec Gilbert, nous partons ce soir par le train de nuit avec une partie du groupe du Jharkhand, petit état entre le Bihar et l'Orissa. Cela nous permet de garder encore un peu le contact, voir de plus près leurs conditions de vie. Et j'espère trouver quelque part un ordinateur pour la suite de nos aventures...